Utilisateur:William Ellison/Brouillon6

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La technique de la danse serpentine[modifier | modifier le code]

  • Description de la technique électrique pour la danse serpentine :Julien Lefèvre, L'électricité au théâtre, Paris, A. Grélot, , 345 p. (lire en ligne sur Gallica), page 192.
  • Description de Loïe Fuller serpentine - Marcel Jubin, « Les effet lumineux au théâtre », La Science & La Vie, no 45,‎ , p. 25-35 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).


(en) Rhonda K. Garelick, Electric Salome: Loie Fuller's performance of modernism, Princeton University Press, (ISBN 0-691-01708-5, lire en ligne), p. 27


Les origines de la danse serpentine[modifier | modifier le code]


Habituellement la création de la danse serpentine est attribuée à Loïe Fuller au Park Theatre de Brooklyn, New-Yorm, le 15 février 1892. La réalité est un peu plus complexe et multiforme.

Loïe Fuller, jeune actrice/danseuse américaine, né en 1862, se trouve à Londres en octobre 1889. Elle est venue avec une troupe théâtrale pour jouer Caprice, une comédie d’Howard P. Taylor revue par Minnie Maddern Fiske, au Théâtre du Globe de Londres. La pièce est un échec total et la troupe est couverte de dettes. Proche du dénuement, Loïe accepte un contrat de « Gaiety girl (en) » au Gaiety-Theater, Londres (en) où faisait rage la Skirt dance (en).

Aussi populaire que le Cancan à Paris, cette danse de jupe avait été lancée au Holborn Theatre en 1873 par Kate Vaughan et le chorégraphe John D’Auban (en) dans le Galop infernal d’Orphée aux Enfers de Jacques Offenbach.

Vêtue d’une longue jupe noire pailletée d’or, Kate Vaughan dansait alors dans l’obscurité sous le feu de lumières colorées. Par la suite, Letty Lind (en), Mabel Love (en) et d’autres élèves de John D’Auban populariseront la manipulation de jupes pouvant aller jusqu’à 12 mètres de tissu.

« Chaque femme semble maintenant penser devoir acquérir l’art de la danse de jupe » écrit le Daily Telegraph[2] tandis qu’interrogée sur un genre qu’elle avait mis à la mode, Kate Vaughan confiera : « J’ai été la première à danser avec des jupes atteignant les chevilles ; je n’ai jamais aimé les danses serpentines, les longs tissus, les mouvements de bras, ma pratique était simplement de la danse et rien de plus. J’ai inventé les pas moi-même, et mes longues jupes étaient une nouveauté à cette époque, alors que le ballet était le seul style en vogue. Aujourd’hui, les mouvements acrobatiques de certains danseurs sont dignes de simples contorsionnistes »[3]

Telle était la situation a Londres en 1891.

En juillet 1891, appelée à jouer le rôle principal d’une comédie de Fred Marsen intitulée Quack medical doctor (Le Charlatan), Loïe Fuller rentra aux États-Unis. La pièce vit le jour le 16 octobre 1891 à Holyoke (Massachusetts) et pour une scène où elle devait paraître endormie sous l’effet de l’hypnose, à partir d’une jupe hindoue en soie blanche offerte par un admirateur britannique, elle se confectionna « une sorte de robe Empire en épinglant la jupe à un corsage décolleté ». Prétendant faire à cet instant ses débuts de danseuse, Loïe Fuller racontera dans son livre Quinze ans de ma vie[4] cette scène iconique qui forgea la légende d’un art né du hasard :

« Nous jouâmes notre scène d’hypnotisme. Le décor représentant un jardin était baigné de lumière vert pâle. L’orchestre joua pianissimo un air langoureux, et j’apparus en essayant de me faire assez légère pour donner l’impression imaginaire d’un esprit voltigeant obéissant aux ordres du docteur. […] Mais ma robe était si longue que je marchais constamment dessus et machinalement, je la retenais des deux mains et levais les bras en l’air, tandis que je continuais à voltiger tout autour de la scène comme un esprit ailé. Un cri soudain jaillit : « un papillon ! un papillon ! ». Je me mis à tourner sur moi-même en courant d’un bout à l’autre de la scène, et il y eut un second cri : « une orchidée ! ». A ma profonde stupéfaction, des applaudissements nourris éclatèrent. […] le public bissa la scène, puis la bissa encore…et tant et si bien que nous dûmes la répéter plus de vingt fois ».

Selon l’artiste, la troupe continua de voyager durant six semaines, puis joua dans les faubourgs de New-York où la pièce n’eut aucun succès : « notre scène d’hypnotisme elle-même fut impuissante à la sauver des attaques de la critique. » À la suite de quoi, les acteurs se dispersèrent.

Toutefois, percevant dans ses danses optiques la gloire attendue depuis toujours, après avoir étudié chacun de ses mouvements, une douzaine qu’elle associa à des teintes de lumière, Loïe Fuller auditionna pour le compositeur et agent théâtral, Rudolph Aronson. Lequel après avoir choisi La Serpentine comme titre et Loin du bal, une valse d’Ernest Gillet comme musique, lui proposa de danser dans Oncle Célestin d’Edmond Audran. Rodée en province, l’opérette fut présentée au Park Theatre de Brooklyn, le 15 février 1892. Cette fois, « l’arc-en-ciel fait femme » (6 Le Figaro, Georges Rodenbach, 12 janvier 1895) salua sous les bravos et les cris d’enthousiasme.

Rêvant de conquérir l’Europe avec ses visions lumineuses, elle débuta au Wintergarten de Berlin (en) durant l’été 1892. Suivront Hambourg et Cologne où par nécessité elle paraît dans un cirque. C'était l'humiliation complète : « J’allais alors à Paris pour y réussir ou pour sombrer ! »

Tout à ses désirs de gloire, un jour d’octobre, elle invite son agent, Marten Stein à rencontrer Pedro Gailhard, le directeur de l’Opéra, mais au motif que ses entrelacs lumineux étaient déjà imités, ce dernier lui proposa quatre représentations par mois, à condition qu’elle ne se montre pas ailleurs. Il ne fallait pas y songer.

Elle se rendit alors aux Folies-Bergère : « Qu’on imagine ma stupeur, quand en descendant du fiacre, je me trouvai face à face avec une danseuse serpentine reproduite sur des affiches colossales ».

Présentée comme « l’originale danse serpentine », il s’agissait de sa compatriote Mabel Stuart. Ayant « révolutionné tout Londres », Mabel Stuart avait été lancée comme la créatrice en Angleterre de La Serpentine. Elle débutera aux Folies-Bergère le 13 octobre 1892. Édouard Marchand, le patron des Folies-Bergère, l'avait engagée pour concurrencer Jennie Joyce, attendue sous peu au Casino de Paris.

Jennie Joyce tourbillonnait depuis plusieurs mois à l’Alhambra Theatre de Londres : « Enveloppée de longs voiles ; la lumière électrique donnant aux vêtements de la danseuse des couleurs variées et d’un effet absolument charmant »[5]. Aussitôt, la presse l'annonça, précisant que « la Vénus américaine » avait « inventé et créé à Londres la danse serpentine »[6], mais manquant à sa parole, elle ne vint jamais en France.

Dès lors, le 27 octobre 1892, après avoir auditionné et convaincu la direction des Folies-Bergère de sa supériorité, Loïe Fuller persuada Édouard Marchand de remercier Mabel Stuart et de clore la semaine sous l’identité de sa rivale. Le temps d’imprimer les affiches, elle triomphera officiellement, le 5 novembre 1892 dans La Serpentine, La Violette, Le Papillon et La Danse blanche.

Trois jours plus tôt, Loïe Fuller est l'invitée des Five o’clock du Figaro, le journal prétendait qu'elle venait d'arriver directement des États-Unis et, qu'elle s’était produite sur une scène montée dans les locaux du journal. Sous le charme de Loïe, et dans un but de réclame l'article conclut : « C’est Miss Loïe Fuller, une jeune américaine qui a inventé la fameuse danse serpentine dont Paris n’avait eu que de pâles imitations et dont on parle en Amérique avec un enthousiasme que nous comprenons désormais »[7].

Sur la scène parisienne les « danses serpentine » pullulaient :

  • le 31 décembre 1892, La Serpentine d’Émilienne d’Alençon fut le clou de la revue Tararaboum aux Menus-Plaisirs.
  • Tandis que dans les serpentements d’une jupe rutilante, Baptistine Dupré, dite Bob Walter paraîtra au Théâtre-Moderne dans Tout à la scène. On évoquera également, Miss Rosé et son chien Dick, un caniche noir présenté comme le créateur de la danse serpentine au Bataclan en 1894. Au reste, un mois avant sa première apparition à Biarritz, Loïe Fuller sera devancée par La Bérat, « l’extraordinaire danseuse lumineuse » captivant les yeux dans Lutte contre les vagues, Charme de printemps et Papillon d’or au Casino municipal, le 19 janvier 1912.

En fin de compte, la plupart l’égaleront peut-être, mais sans jamais la surpasser. Car depuis les effets de lumière que rendaient possibles les progrès de l’électricité, « la religion de 1900 » (11 1900, Paul Morand, les éditions de France, 1931, p 64), jusqu’aux produits fluorescents illuminant ses jupes de scène, au radium que Pierre et Marie Curie lui défendirent d’utiliser, en passant par les gélatines, les ultra-violets et les dispositifs scénographiques, Loïe Fuller n’aura de cesse d’innover par un travail de recherche alliant « ivresse d’art » et « accomplissement industriel » (12 National Observer, 13 mai 1893).




Soon after, Fuller left the United States and found acclaim in Paris. In works such as Papillon (1892) and Violet (1892), Fuller tossed the silky fabric of her costume, enveloping herself in beautiful shapes of butterflies and flowers. Her dances were lit against a black floor and background by colored electric lights.

For her most popular work, La Danse du Feu (Fire Dance) (1895), set to Wagner's Ride of the Walkyries, Fuller stood on a sheet of glass placed over a trap door. A red light under the stage made it appear as if her skirt caught fire and then engulfed her.

Fuller designed and patented all of her own costumes and lighting effects, and experimented with phosphorescent paint that shone in the dark. She eventually became fatally ill from the toxic chemicals she used in her stage effects.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Marketa Uhlirova (dir.), Lucy Fischer, Ronald Gregg et Inga Fraser, Birds of Paradise : Costume as Cinematic Spectacle, Verlag der Buchhandlung Walther Konig, , 341 p. (ISBN 978-3863352189).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Thierry Malandain, « Danse à Biarritz : Loïe Fuller », Malandain Ballet, no 71,‎ , p. 6-15 (lire en ligne, consulté le ).
  2. (3 Daily Telegraph 14 avril 1892)
  3. (en) Euphrosyne, « Miss Kate Vaughan », Australian Town and Country Journal,‎ , p. 35 (lire en ligne, consulté le ).
  4. Loïe Fuller (trad. le prince Bojidar Karageorgevitch], préf. Anatole France), Quinze ans de ma vie, Paris, Librairie Félix Juven, , 288 p. (lire en ligne sur Gallica).
  5. « Correspondance anglaise », Le Figaro,‎ , p. 1 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  6. « La Soirée Parisienne », Gil Blas,‎ , p. 4 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  7. « A travers Paris », Le Figaro,‎ , p. 1 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).

Sources[modifier | modifier le code]

https://cabinetcardgallery.com/tag/serpentine-dance/

THE CABINET CARD GALLERY VIEWING HISTORY, CULTURE AND PERSONALITIES THROUGH CABINET CARD IMAGES ANNABELLE MOORE: STAGE AND EARLY FILM DANCER

Annabelle Moore (1878-1961) was born Annabella Whitford in Chicago, Illinois. In 1910 she married Edward James Buchan and they remained married until his death in 1958. She appeared in at least nine films beween 1894 and 1897. Film companies included Edison and Biograph. The films were dance films and included “A Mermaid Dance”, “Butterfly Dance” and “Serpentine Dance”. These films can be seen on “You Tube”. Annabelle starred as the Gibson Bathing Girl in the first of the Ziegfeld Follies (1907). She remained as part of the Ziegfeld Follies company until her marriage and retirement in 1912. The cabinet card is stamped on the reverse with the following words; “This No. 46 is the property of the American Lithographic Company” of New York.



Loïe Fuller, danseuse de la Belle Epoque

de: Giovanni Lista

éditions: Editions Hermann

Broché: 680 pages Editeur : Editions Hermann (20 janvier 2007) Collection : Hermann Danse Langue : Français ISBN-10: 2705666257 ISBN-13: 978-2705666255




http://www.pitt.edu/~gillis/dance/loie.html

Loie Fuller (1862-1928)

Born in Chicago in 1862, Loie Fuller began her stage career as a child actress. During her twenties, she performed as a skirt dancer on the burlesque circuit. In 1891 she went on tour with a melodrama called "Quack MD," playing a character who performed a skirt dance while under hypnosis. Fuller began experimenting with the effect the gas lighting had on her silk skirt and received special notice in the press. Her next road tour, in a show called "Uncle Celestine," featured this new version of the skirt dance. By emphasizing the body was transformed by the artfully moving silk. One reviewer described the effect as "unique, ethereal, delicious...she emerges from darkness, her airy evolutions now tinted blue and purple and crimson, and again the audience...insists upon seeing her pretty piquant face before they can believe that the lovely apparition is really a woman." (1975)


Loie Fuller and Folies Bergeres

By 1892, Fuller had moved to Paris and was performing with the Folies Bergeres. She was an immediate sensation with audiences and critics. Stephane Mallarme, the leading poet of the Symbolist movement, dubbed her "La Loie" and described her dancing as "the dizzyness of soul made visible by an artifice." Fuller remained in Europe for the rest of her career, continuing to develop her theories of movement using material and lighting effects. She returned to the United States to perform, but was never fully appreciated by her own countrymen.



Loie Fuller's Innovations:

   Fuller was an inventor and stage craft innovator who held many patents for stage lighting, including the first chemical mixes for gels and slides and the first use of luminescent salts to create lighting effects. She was also an early innovator in lighting design, and was the first to mix colors and explore new angles. Fuller was well respected in the French scientific community, where she was a close personal friend of Marie Curie and a member of the French Astronomical Society.
   Fuller had a school and a company beginning in 1908, where she taught natural movement and improvisational techniques. She did not, however, teach them her lighting and costuming "tricks."
   Fuller was the first expatriot American dancer, and introduced Isadora Duncan to Parisian audiences. 




Loïe Fuller


« Des bras blancs en mouvements harmonieux agitent, étendent, lancent, soulèvent, retirent, ouvrent de longs, de larges, d’immenses, voiles de gaze. Et cette gaze se déploie en éclatements de feux, en dispersions de lueurs, en papillotements irradiés de rouge, de bleu et de jaune qui sont des ailes, des antennes de grands papillons multicolores et variés posés sur une tunique aux byzantines rutilances. » (1 La Loïe Fuller Henri Gaillard, Le Jugement du silence : histoire de l'heure présente, Paris, La République de demain, , 218 p. (lire en ligne sur Gallica), page 115.

Résumant tout l’Univers dans le tournoiement de ses voiles colorés, le souvenir de Loïe Fuller est attaché à la Danse Serpentine, un art inouï et parfois grandiose qui tirait ses ressources de la lumière électrique. Naturellement, on ne peut plaire à tout le monde et l’éloge de « l’étoile polychrome » se teinta parfois de réserves. Ainsi la découvrant aux Folies-Bergère en 1892, l’écrivain Joris-Karl Huysmans, qui avait peu d’attirance pour le théâtre notera : « spectacle curieux mais incomplet ; féerique mais brut. Il y a beaucoup à dire. Danse médiocre. La gloire est à l’électricien, en somme. C’est américain ! » (2 Le Figaro 9 février 1929 ??).

Ce n’était pas yankee à cent pour cent, mais en effet, Mary Louise Fuller naquit à Hinsdale (Illinois) le 22 janvier 1862. Manifestant dès l’enfance l’ambition de faire carrière au théâtre, sa vocation ne fit que s’affirmer jusqu’à ses débuts à 12 ans dans un récital d’art dramatique à Chicago. Quatre ans plus tard, en 1878, elle joue dans des revues, des mélodrames, des vaudevilles.

Parallèlement, elle étudie la danse, puis le chant dans le but de devenir cantatrice, mais n’ayant pas reçu de la nature une voix divine, en 1885, elle revint à la comédie espérant y réussir. De fait, elle obtiendra quelques succès dans des rôles travestis, avant de créer sa propre compagnie grâce aux fonds fournis par William B. Hayes, un homme d’affaires épousé sans amour et sans cérémonie en mai 1889.

Le répertoire de sa troupe hésite alors entre la tragédie et l’opérette, entre Roméo et Juliette de Shakespeare et Les Cloches de Corneville de Robert Planquette. C’est toutefois Caprice, une comédie d’Howard P. Taylor revue par Minnie Maddern, qu’elle joue au Théâtre du Globe de Londres en octobre 1889. Comptant sur la consécration, elle y essuie un four complet, les dettes achevant de couler son entreprise, mais point ses ambitions puisqu’elle restera en Angleterre avec sa mère Dalilah dans l’espoir d’y rebondir.

Proche du dénuement, elle accepte un contrat de girl au Gaiety-Theater, Londres (en) où faisait rage la Skirt dance (en). Aussi populaire que le Cancan à Paris, cette danse de jupe avait été lancée au Holborn Theatre en 1873 par Kate Vaughan et le chorégraphe John D’Auban (en) dans le Galop infernal d’Orphée aux Enfers de Jacques Offenbach. Vêtue d’une longue jupe noire pailletée d’or, Kate Vaughan, née Catherine Candelin dansait alors dans l’obscurité sous le feu de lumières colorées. Par la suite, Letty Lind (en), Mabel Love (en) et d’autres élèves de John D’Auban populariseront la manipulation de jupes pouvant aller jusqu’à 12 mètres de tissu.

« Chaque femme semble maintenant penser devoir acquérir l’art de la danse de jupe » écrit le Daily Telegraph en 1892 (3 Daily Telegraph 14 avril 1892) tandis qu’interrogée sur un genre qu’elle avait mis à la mode, Kate Vaughan confiera en 1896 : « J’ai été la première à danser avec des jupes atteignant les chevilles ; je n’ai jamais aimé les danses serpentines, les longs tissus, les mouvements de bras, ma pratique était simplement de la danse et rien de plus. J’ai inventé les pas moi-même, et mes longues jupes étaient une nouveauté à cette époque, alors que le ballet était le seul style en vogue. Aujourd’hui, les mouvements acrobatiques de certains danseurs sont dignes de simples contorsionnistes » (4 (en) Euphrosyne, « Miss Kate Vaughan », Australian Town and Country Journal,‎ , p. 35 (lire en ligne, consulté le ). )


En juillet 1891, appelée à jouer le rôle principal d’une comédie de Fred Marsen intitulée Quack medical doctor (Le Charlatan), Loïe Fuller rentra aux États-Unis. La pièce vit le jour le 16 octobre 1891 à Holyoke (Massachusetts) et pour une scène où elle devait paraître endormie sous l’effet de l’hypnose, à partir d’une jupe hindoue en soie blanche offerte par un admirateur britannique, elle se confectionna « une sorte de robe Empire en épinglant la jupe à un corsage décolleté ». Prétendant faire à cet instant ses débuts de danseuse, Loïe Fuller racontera dans Quinze ans de ma vie cette scène iconique qui forgea la légende d’un art né du hasard :

« Nous jouâmes notre scène d’hypnotisme. Le décor représentant un jardin était baigné de lumière vert pâle. L’orchestre joua pianissimo un air langoureux, et j’apparus en essayant de me faire assez légère pour donner l’impression imaginaire d’un esprit voltigeant obéissant aux ordres du docteur. […] Mais ma robe était si longue que je marchais constamment dessus et machinalement, je la retenais des deux mains et levais les bras en l’air, tandis que je continuais à voltiger tout autour de la scène comme un esprit ailé. Un cri soudain jaillit : « un papillon ! un papillon ! ». Je me mis à tourner sur moi-même en courant d’un bout à l’autre de la scène, et il y eut un second

cri : « une orchidée ! ». A ma profonde stupéfaction, des applaudissements nourris éclatèrent. […] le public bissa la scène, puis la bissa encore…et tant et si bien que nous dûmes la répéter plus de vingt fois » (5 Quinze ans de ma vie).

Selon l’artiste, la troupe continua de voyager durant six semaines, puis joua dans les faubourgs de New-York où la pièce n’eut aucun succès : « notre scène d’hypnotisme elle-même fut impuissante à la sauver des attaques de la critique. » À la suite de quoi, les acteurs se dispersèrent. Toutefois, percevant dans ses danses optiques la gloire attendue depuis toujours, après avoir étudié chacun de ses mouvements, une douzaine qu’elle associa à des teintes de lumière, Loïe Fuller auditionna pour le compositeur et agent théâtral, Rudolph Aronson. Lequel après avoir choisi La Serpentine comme titre et Loin du bal, une valse d’Ernest Gillet comme musique, lui proposa de danser dans Oncle Célestin d’Edmond Audran. Rodée en province, l’opérette fut présentée au Park Theatre de Brooklyn, le 15 février 1892. Cette fois, « l’arc-en-ciel fait femme » (6 Le Figaro, Georges Rodenbach, 12 janvier 1895) salua sous les bravos et les cris d’enthousiasme.

Rêvant de conquérir l’Europe avec ses visions lumineuses, elle débuta au Wintergarten de Berlin (en) durant l’été 1892. Suivront Hambourg et Cologne où par nécessité elle paraît dans un cirque. • • •

Humiliation complète : « J’allais alors à Paris pour y réussir ou pour sombrer ! »

Tout à ses désirs de gloire, un jour d’octobre, elle invite son agent, Marten Stein à rencontrer Pedro Gailhard, le directeur de l’Opéra, mais au motif que ses entrelacs lumineux étaient déjà imités, ce dernier lui proposa quatre représentations par mois, à condition qu’elle ne se montre pas ailleurs. Il ne fallait pas y songer.

Elle se rendit alors aux Folies-Bergère : « Qu’on imagine ma stupeur, quand en descendant du fiacre, je me trouvai face à face avec une danseuse serpentine reproduite sur des affiches colossales ».

Présentée comme « l’originale danse serpentine », il s’agissait de sa compatriote Mabel Stuart qu’Édouard Marchand, le patron des Folies-Bergère, avait engagée pour concurrencer Jennie Joyce attendue au Casino de Paris. Ayant « révolutionné tout Londres », Mabel Stuart avait été lancée comme la créatrice en Angleterre de La Serpentine. Elle débutera aux Folies-Bergère le 13 octobre 1892. Aussitôt, la presse annonça Jennie Joyce, précisant que « la Vénus américaine » avait « inventé et créé à Londres la danse serpentine » (7 « La Soirée Parisienne », Gil Blas,‎ , p. 4 (joyce.zoom lire en ligne sur Gallica, consulté le ). )

« Enveloppée de longs voiles ; la lumière électrique donnant aux vêtements de la danseuse des couleurs variées et d’un effet absolument charmant » (8 « Correspondance anglaise », Le Figaro,‎ , p. 1 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ). )

), Jennie Joyce tourbillonnait depuis plusieurs mois à l’Alhambra Theatre de Londres, mais manquant à sa parole, elle ne vint pas en France.

Dès lors, le 27 octobre 1892, après avoir auditionné et convaincu la direction des Folies-Bergère de sa supériorité, Loïe Fuller pressée de conquérir Paris, persuada Édouard Marchand de remercier Mabel Stuart et de clore la semaine sous l’identité de sa rivale. Le temps d’imprimer les affiches, elle triomphera officiellement, le 5 novembre 1892 dans La Serpentine, La Violette, Le Papillon et La Danse blanche.

Trois jours plus tôt, invitée des Five o’clock du Figaro, elle s’était produite sur une scène montée dans les locaux du journal qui sous le charme et dans un but de réclame conclut : « C’est Miss Loïe Fuller, une jeune américaine qui a inventé la fameuse danse serpentine dont Paris n’avait eu que de pâles imitations et dont on parle en Amérique avec un enthousiasme que nous comprenons désormais » (9 « A travers Paris », Le Figaro,‎ , p. 1 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ). )

Ce qui en dépit des brevets qu’elle déposa pour s’assurer la propriété de ses inventions, n’empêcha pas les imitatrices de pulluler. Mais ne dira-t-elle pas : « Toutes les choses doivent être créées de choses existant déjà, en mettant ceci et cela ensemble » (10 Ma vie et la danse, Loïe Fuller, l'oeil d'or, 2002, p 177.) ? Ainsi, dès le 31 décembre 1892, La Serpentine d’Émilienne d’Alençon fut le clou de la revue Tararaboum aux Menus-Plaisirs. Tandis que dans les serpentements d’une jupe rutilante, Baptistine Dupré, dite Bob Walter paraîtra au Théâtre-Moderne dans Tout à la scène. On évoquera également, Miss Rosé et son chien Dick, un caniche noir présenté comme le créateur de la danse serpentine au Bataclan en 1894. Au reste, un mois avant sa première apparition à Biarritz, Loïe Fuller sera devancée par La Bérat, « l’extraordinaire danseuse lumineuse » captivant les yeux dans Lutte contre les vagues, Charme de printemps et Papillon d’or au Casino municipal, le 19 janvier 1912.

En fin de compte, la plupart l’égaleront peut-être, mais sans jamais la surpasser. Car depuis les effets de lumière que rendaient possibles les progrès de l’électricité, « la religion de 1900 » (11 1900, Paul Morand, les éditions de France, 1931, p 64), jusqu’aux produits fluorescents illuminant ses jupes de scène, au radium que Pierre et Marie Curie lui défendirent d’utiliser, en passant par les gélatines, les ultra-violets et les dispositifs scénographiques, Loïe Fuller n’aura de cesse d’innover par un travail de recherche alliant « ivresse d’art » et « accomplissement industriel » (12 National Observer, 13 mai 1893).

LA DANSE À BIARRITZ # 66 • • • Dick, créateur de la danse serpentine h

Loïe Fuller, photo Reutlinger, 1895 g

Affiche Folies Bergère, 1892 hh

Parmi ses innovations scéniques, outre les fonds noirs et les agencements de miroirs, on retiendra une « dalle de cristal » éclairée par le dessous, qui inspira en 1924 une estrade de verre, servant de scène et de piste de bal au Pavillon Royal de Bidart. Avec l’ambition de faire de l’exdemeure de la reine Nathalie de Serbie, le restaurant-dancing le plus chic de la côte basque, le Pavillon Royal ouvrit le 3 septembre 1924 avec une brillante fête de lumière animée par le danseur américain Harry Pilcer. Pour l’anecdote, partenaire de Gaby Deslys et de Mistinguett, Harry Pilcer qui partagea parfois l’affiche avec la troupe de Loïe Fuller, avait été poursuivi l’année précédente pour outrage aux bonnes moeurs après une plainte de la Ligue contre la licence des rues, cette ligue de vertu fondée en 1894, dénonçant le caractère licencieux de L’Après-midi d’un faune qu’il dansait au Palace avec Marcelle Rhana. En l’attente du jugement, le public afflua en masse et « une anglaise, qui était venue, croyant que c’était « shocking » s’étonna tout haut : Mais on ne voit rien » (13 La Rampe, 13 mai 1923).

C’est sans doute pourquoi, l’affaire se termina par un non-lieu. Jusqu’en 1928, Harry Pilcer, imité au music-hall par le danseur Georges Pomiès, partenaire de Lisa Duncan, la fille adoptive d’Isadora Duncan, organisa les fêtes du Pavillon Royal. Il était secondé par le couturier Lucien Lelong, lequel avait ouvert une boutique à Biarritz et décèdera à Anglet en 1958. Les sources font défaut pour préciser le programme des attractions offertes sur la terrasse ou sur la scène d’un théâtricule faussement antique, que foulèrent pieds nus des « isadorables » ou des « fulleriennes », comme en témoigne une photographie.

Mais dans la lumière changeante du parquet de verre, la danse y tint toujours le haut du succès. Sans autre lien, que celui de la lumière, selon le journal Comoedia : « Canonge et Hieulle, le créateur du Pavillon Royal, avaient conçu ce rêve étrange et magnifique de faire, de toute la côte basque, entre Biarritz et Saint-Jean-de-Luz, un Hollywood français » (14 Comoedia, 30 octobre 1925). En effet, voyant grand, à l’américaine, dès 1925, Maurice de Canonge, acteur et réalisateur estimé au pays des dollars, et Edmond Hieulle, attaché à la direction du Crédit-Lyonnais, établi à Bidart, où il mourra en 1944, jetèrent l’idée d’édifier au bord de l’Océan la cité cinématographique française.

Maurice de Canonge justifiant : « La côte basque est le coin idéal pour installer la cité du cinéma. A la lumière naturelle, si belle et si pure, nous joindrons les vingt ou vingt-cinq mille ampères requis pour que puissent opérer simultanément cinq ou six metteurs en scène. Voilà pour les intérieurs. Les extérieurs, on n’en saurait trouver d’une variété, d’une qualité meilleures : il y a l’Océan, les Pyrénées, les landes, les lacs, le tout aux portes de Biarritz » (15).

Cependant, de même que la dalle lumineuse du Pavillon royal s’éteindra en 1928 sous l’effet de la dépression économique, l’entreprise qui aurait pu être féconde, échoua.

Cette dalle de verre irradiant comme une plaque d’or, Jean Cocteau l’appellera une « trappelentille » dans ses souvenirs peu aimables de l’Exposition universelle de 1900 : « De cette foire confuse et poussiéreuse, je conserve une seule image vivante et flamboyante : Mme Loïe Fuller[…] Une grosse américaine, assez laide et à lunettes, debout sur une trappelentille, manoeuvre avec des perches des flots de voile souple, et sombre, active, invisible, comme le frelon dans la fleur, brasse autour d’elle une innombrable orchidée de lumière et d’étoffe qui s’enroule, qui monte, qui s’évase, qui ronfle, qui tourne, • • •

Parquet lumineux du Pavillon Royal, Georges Scott, l’Illustration 1924 i

f Loïe Fuller, photo Reutlinger, 1893 8 9

qui flotte, qui change de forme, comme la poterie aux mains du potier, tordue en l’air sous le signe de la torche et de la chevelure » (16).

Lors de cette Exposition faisant le bilan d’un siècle, tandis qu’une statue lui rendait hommage au sommet du Palais de la Danse, où Valentine Petit, une de ses émules, tourbillonnait dans Visions nocturnes ; Loïe Fuller « la fée lumière » qui inspira les plus grands artistes, d’Auguste Rodin à Toulouse-Lautrec, avait fait élever son propre théâtre. D’aspect étrange avec sa façade en draperie de plâtre, il avait été en partie conçu par Henri Sauvage, l’architecte des villas Océana et Natacha à Biarritz. Loïe Fuller y fit applaudir ses succès, La Danse du feu, Le Lys, etc., ainsi que des créations. Dans le même temps, intéressée par tout ce qui venait du Japon et débutant une carrière d’impresario, elle invita la troupe de Kawakami Otojiro et de sa femme, la tragédienne Sada Yacco.

Ils joueront notamment en japonais des extraits d’un drame vieux de trois siècles, La Geisha et le chevalier, reprit au Théâtre de l’Athénée en 1901. Seulement, écrit-elle : « Ces trente personnes me coûtèrent plus que quatre-vingt-dix autres, car outre tout ce que j’ai été obligée de faire pour leur procurer des distractions, j’eus incessamment à me démener pour avoir la permission d’accrocher, à chaque express qui les transportait, un énorme wagon bourré de confitures japonaises, de riz, de poisson salé,… » (17).

Plus tard, elle formera avec Hisa Õta, dite Hanako, une autre troupe, circulant sans « cargaison de riz ».

En attendant, deux années durant, elle partagea la scène avec la « Sarah Bernhardt japonaise » jusqu’à une tournée déficitaire qui de janvier à mars 1902, les mena dans les principales villes d’Allemagne, mais aussi à Vienne, Budapest et Bucarest.

Âgée de 40 ans, Loïe Fuller dansait pour la première fois au milieu d’une douzaine de jeunes filles, qui au quotidien « lui caressaient les mains, tantôt l’embrassaient » se souvient Isadora Duncan, « stupéfaite » par « cette atmosphère chaude et sensuelle » (18).

Il est vrai que celle qui trouva dans l’art grec le secret de ses danses ne collectionnait pas encore les conquêtes féminines. Pour l’heure, seulement connue des salons de la comtesse Greffulhe, « l’américaine aux pieds nus » était du voyage, puisque heureuse de lui rendre service, Loïe Fuller avait accepté de la lancer et notamment de la présenter à Vienne devant un public qui saurait l’apprécier. La place manque pour tout dire et se divertir de la discordance des souvenirs, mais après qu’elle eut réuni l’élite viennoise, Loïe Fuller raconte qu’attendue près d’une demi-heure, Isadora Duncan « tout d’un coup, fit son entrée, calme, indifférente, n’ayant pas l’air de s’occuper le moins du monde de ce que nos invités pouvaient penser d’elle. Mais ce ne fut pas son air d’indifférence qui me surprit le plus. J’avais beau me frotter les yeux, elle me paraissait nue, ou presque, tellement les gazes qui la drapaient se réduisaient à peu de chose. […] Pourquoi danse-t-elle avec un costume si insuffisant ? demanda à voix basse la princesse de Metternich ». Avec un égo à toute épreuve, Isadora Duncan relate de son côté que « la seule femme de toute la salle était Loïe Fuller. Tous les hommes étaient venus avec chacun un bouquet de roses rouges, et quand je dansais la Bacchanale, je fus complétement recouverte de roses ».

Ensuite, se demandant ce qu’elle « faisait dans cette troupe de jeunes personnes, fort belles sans doute, mais détraquées », elle s’enfuit avec sa mère. « Quelques années plus tard, termine Miss Fuller, j’appris que ma danseuse disait à qui voulait l’entendre qu’elle ne connaissait pas Loïe Fuller… ».

Au vrai, dans ses mémoires parues en avril

Sada Yacco k

Valentine Petit dans Visions nocturnes, 1900 © Photo Boyer g Isadora Duncan, photo Paul Berger, 1908 h 10 11

1928, Isadora Duncan conviendra de « la générosité sans limites » de sa compatriote et de son « extraordinaire génie », mais « la lumineuse fleur de rêve » était décédée depuis quatre mois.

Après cette tournée laborieuse, Loïe Fuller rompit avec la troupe de Sada Yacco et fut contrainte de dissoudre la sienne. Ce n’est qu’en 1908, qu’elle la reconstitua en créant une école. Ce faisant, elle répondait à plusieurs problèmes, explique Giovanni Lista : « Le premier est sans doute de ne plus danser seule car il lui est devenu difficile d’assumer un grand nombre de représentations. Les efforts qu’elle a imposés à son corps l’ont prématurément usé. Ses yeux en particulier ne peuvent plus supporter la violence des projecteurs.

Mais il apparaît aussi qu’avec une troupe composée de danseuses formées par ses soins, elle va pouvoir dans un même mouvement faire évoluer les thèmes de ses danses et donner une nouvelle ampleur à son approche du monde de la nature et des rêves » (19).

Cette école à laquelle elle se consacra avec une ferveur d’apôtre prit le nom de Ballets fantastiques de Loïe Fuller. Réservée à de juvéniles anglo-saxonnes de 6 à 15 ans, « elle inaugurait la vogue de l’improvisation plastique, celle du corps, évoluant en liberté selon le caprice des émotions spontanées, vêtu de tunique à la grecque, bref elle préfigurait l’annonce faite par Isadora Duncan » (20) écrit André Levinson. En effet, adepte de la danse libre, Loïe Fuller cherchera à éveiller le sens artistique de ses « muses » en dehors de toutes conventions : « Il n’y a pas de doctrine, pas de règles, pas de formules, pas de théories, pas de discipline. Tout cela brise l’instinct ! […] Je n’apprends absolument rien à mes petites filles. Je les laisse faire tout ce qu’elles veulent » (21). Toutefois, le spectacle de ces jeunes filles ne manquera pas de faire débat. Ainsi à Madrid en 1912, juste avant Biarritz, les autorités interdirent les représentations de la troupe parce qu’elle comptait des mineures. Tandis qu’au milieu des plus élogieux commentaires, Louis Laloy écrira : « Ces piétinements, ces enjambées, ces sautillements et ces culbutes ne sont que des amusements d’enfants dont la gymnastique la plus chétive ne se contenterait pas comme exercices de chambre. Ils n’ont d’ailleurs aucun rapport avec la musique ne tombent que par hasard sur un temps fort, ne communiquent pas la moindre idée de légèreté ni de grâce ni d’une émotion ou d’une impression quelconque. L’intervention de tous les projecteurs de la terre ne saurait nous faire oublier ces constatations fâcheuses » (22). À Biarritz, depuis Le Grand oiseau noir et La Danse ultra-violette, jusqu’à La Serpentine, le spectacle offert « par Miss Fuller et ses jeunes élèves » au Casino municipal le 19 février 1912 paru « extrêmement intéressant et pour ainsi dire unique : ce fut un véritable enchantement que d’admirer les jeunes ballerines qui sous la lumière prodigieusement féerique évoluaient avec une grâce indescriptible » (23) note Le Courrier de Bayonne, qui ajoute « qu’avant la troisième partie du spectacle, la princesse Frederika de Hanovre », propriétaire à Biarritz de la villa Mouriscot, où elle s’éteindra en 1926, « fit appeler dans sa loge Miss Fuller afin de lui présenter toutes ses félicitations ». Arrivant de Pau, la compagnie avait signé pour une soirée, mais tout le monde n’ayant pu voir le grand oiseau noir battre des ailes aux accents ravéliens de La Pavane pour une Infante défunte, elle joua le lendemain en matinée. Ce fut sans doute les deux seules fois, où Loïe Fuller dansa en personne à Biarritz, « la magicienne de toutes les lumières » n’y revenant qu’en 1924.

Entre temps, la troupe se produira le 30 août 1922 en plein air, à Bayonne, près des remparts et à La Pergola de Saint-Jeande- Luz du 10 au 15 octobre 1922. Puis de nouveau à Saint-Jean-de-Luz les 30 et 31 août 1923.

Réfugiée en Amérique pendant la Grande Guerre, Loïe Fuller avait retrouvé Paris dès la fin du conflit pour, en dépit des tracas financiers, renouer avec la création. Ainsi, après avoir reconstitué sa troupe fit-elle sa rentrée à l’Olympia, le 2 avril 1920 avec Le Voile fantasque, où sous les feux irisés de l’arc-en-ciel, « neuf adorables petites filles » maniaient un voile de 50 m2. Dans le même temps, sans lâcher la lumière et

LA DANSE À BIARRITZ # 66 • • •

i Ecole de danse de Loïe Fuller

LA DANSE À BIARRITZ # 66

quelques oeuvres très modernes » (24). À dire vrai, bien qu’elle fut toujours à la pointe de l’art, on aura surtout le plaisir de revoir : Le Songe d’une nuit d’été, Le Grand oiseau noir, Les Ombres gigantesques, Les Danses du Prince Igor, La Valse triste, etc. Sur une scène dressée au bord de l’eau, le spectacle prévu le 23 août, mais reporté au 26 en raison de la météo, fut ovationné par des milliers de personnes. Au final, tandis que les rochers et les récifs s’embrasèrent de feux de Bengale, un prodigieux feu d’artifice étincela dans la nuit. Cette apothéose deviendra un classique des fêtes nocturnes de la plage du Port-Vieux, seulement on ignorait que ces gerbes d’or étaient un adieu tracé dans le ciel, car la magicienne ne revint pas à Biarritz. Souffrant depuis des années de bronchites chroniques dont un empoisonnement chimique pourrait être la cause, Loïe Fuller décéda d’une congestion pulmonaire, le 2 janvier 1928. Lors des obsèques célébrées à la Cathédrale américaine de Paris, « le deuil était représenté par Mlle Bloch, amie personnelle et associée de la défunte, dont l’émotion traduisait les regrets unanimes de la foule » (25).

Depuis près de trente ans, Gabrielle Bloch, dite Gabrielle Sorère ou Gab était la compagne de Loïe Fuller. La reine de la lumière avait connu la jeune fille aux Folies-Bergère un soir de 1893. À partir de là, s’était nouée une relation amicale, puis professionnelle, Gab totalement fascinée acceptant par exemple de rester des heures sur la scène, afin que Loïe règle les éclairages. Les deux femmes s’installeront ensemble dès 1898, mais ce n’est qu’en 1902 qu’Isadora Duncan fera de la « femme étrange en tailleur noir » ce portrait : « Elle était timide, réservée, avec un visage aux traits fins et pourtant énergiques, avec les cheveux noirs rejetés en arrière, des yeux intelligents et tristes. […] Elle s’intéressait à l’art, et parlait surtout avec éloquence de celui de Loïe Fuller. […] Je me sentis immédiatement attirée, mais je compris vite que son enthousiasme pour Loïe Fuller accaparait toute sa puissance d’émotion, et qu’elle n’en avait pas de reste pour moi » (26).

Après la mort de Loïe Fuller, Gab assuma seule la direction de la troupe, qui retrouva le Port-Vieux, le 15 août 1928, « avec un programme inédit, où nous relevons sur les couleurs, toujours en quête d’effets nouveaux, elle s’intéressa aux ombres chinoises qu’elle exploita entre autres dans Les Ombres gigantesques. Projetant sur un fond blanc les silhouettes minuscules ou énormes de ses élèves, ces visions séduisantes furent applaudies à Biarritz, le 29 août 1924. Comme en 1912, l’orchestre du Casino municipal était dirigé par Gabriel Dutournier, qui tiendra encore la baguette, le 26 août 1925 lors d’une fête de nuit promettant d’être « extrêmement artistique et originale ».

L’époque était aux fêtes de toutes sortes, et afin d’accueillir un grand nombre de spectateurs, le Syndicat d’initiative organisa celle-ci sur la plage du Port-Vieux. Selon Le Gaulois, « la perspective de danser devant l’Océan avait particulièrement séduit l’âme d’artiste de Miss Fuller et elle projetait pour cette représentation de redonner quelques danses déjà applaudies et de faire exécuter

• • • Biarritz, Port Vieux, « Toutou à l’heure du bain »

Ballet Loïe Fuller

Ballet Loïe Fuller, Miss Gudron

Les Bains du Port-Vieux, 1927 g 1 2 3

LA DANSE À BIARRITZ # 66

dix-huit tableaux, quinze créations dont la primeur, par une délicate intention, a été réservée à Biarritz » (27) note La Gazette de Biarritz, ce qui n’a pu être vérifié. Seule certitude à la fin de cette soirée, le Port-Vieux s’embrasa à nouveau de mille feux. De cet été 1928, date un album de photographies trouvé dans une brocante dans lequel cinq membres des Ballets fantastiques en villégiature à Dax, Biarritz, Bayonne, Boucau, Hossegor et Capbreton tiennent les rôles principaux. Malheureusement, vu que seul le nom de Loïe Fuller figurait sur les programmes, Gab entretenant cet usage comme une pieuse tradition, il n’est guère possible d’identifier le patronyme à demi effacé de Jenny sa propriétaire. Couvrant la période du 1er juillet au 30 septembre 1928, cet album se souvient de Fernando l’opérateur devant Le Splendid Hôtel à Dax, de « Toutou à l’heure du bain au Port- Vieux », d’une partie de pêche, d’effets de mer à l’embouchure de l’Adour, du Sporting d’Hossegor et de Miss Gudron danseuse étoile posant avec Eddy : Eddy de la Fuente, de l’Académie des Maîtres de Paris, qui enseignait les danses à la mode à l’Atrium Casino de Dax en 1928.

L’année d’après, du 19 au 21 août 1929, Les Ballets fantastiques revinrent à Biarritz, mais cette fois les voiles, les ombres, les couleurs changeantes éblouirent au Royal. Agrandi par l’architecte Pierre Fonterme, le cinéma-théâtre avait rouvert ses portes le 18 juillet. D’une parfaite simplicité imposée par l’art moderne, la décoration du hall et de la salle, avec ses panneaux de verre dissimulant l’éclairage, avait été confiée à Jean Fidler, l’architectedécorateur travaillant main dans la main avec le marquis Pierre d’Arcangues, homme de lettres, président du Syndicat d’initiative et donc organisateur de tous les « events » de Biarritz. Au premier étage les loges d’artistes, dans les cintres tout un équipement pour recevoir de nombreux décors, tandis que pourvue d’un plafond mobile s’ouvrant sur le ciel, la salle était équipée du système Western Electric de reproduction sonore et parlante.

S’agissant du spectacle, « la mort de Miss Fuller n’ayant rien ôté à la valeur de cette attraction sensationnelle », on parla de « fête des yeux », « de tableaux traités avec une étonnante science des attitudes », de « féerie de lumières ». Une réputation lumineuse que la troupe soutiendra sous la baguette de Théo Grundey, le 19 septembre 1934 au Casino municipal, le 16 août 1936 et le 22 août 1937 au Port- Vieux. Enfin le 15 septembre 1938 sur les eaux tranquilles du lac de Brindos lors de La Nuit du lac enchanté.

Imaginée par Pierre d’Arcangues et Sir Reginald Wright, cette nuit féerique avait pour but de récolter des fonds pour les célébrations du 50ème anniversaire du séjour de la reine Victoria à Biarritz. La ville désirant élever à la grande plage un monument à la gloire de la souveraine face à celui qui avait été sculpté en 1922 à la mémoire d’Edouard VII par le français Maxime Real del Sarte. Retiré depuis 1935, au moulin de Billitorte à Chantaco, près de Saint-Jean-de-Luz, Maxime Real del Sarte signera à nouveau ce monument commémoratif ainsi qu’une médaille à l’effigie de la reine. Pour la curiosité, il était le neveu de Georges Bizet, mais aussi le petit-fils de François Delsarte. Un théoricien du mouvement dont les principes fondés sur une correspondance entre l’émotion et le geste guidèrent Loïe Fuller, Isadora Duncan et tous les pionniers de la danse dite libérée.

Assurément libre de toutes servitudes, de dettes et de créances, Sir Reginald Wright, richissime homme politique australien d’origine anglaise, avocat et amateur d’art, avait mis à disposition sa luxueuse demeure hispanisante du lac de Brindos. Elle avait été édifiée dès 1931 par William Marcel, l’architecte de plusieurs villas biarrotes et de la mairie d’Anglet. Mais avant qu’un incendie ne l’abîme en 1927, le feu dévorant pour plus d’un million d’objets d’art, Mrs et Miss Wright occupaient à Biarritz la villa Andalucia. Entre les thésbridges, les cocktails et les bals clôturant les chasses au renard, le couple organisait des dîners suivis de soirées artistiques où on applaudira par exemple, La Argentina ou Felia Doubrovska, la Sirène du Fils prodigue de George Balanchine en 1929.

Prévue le 14 septembre 1938, La Nuit du lac enchanté eut lieu le lendemain en raison du mauvais temps. Selon Le Figaro, « un radeau avait été monté au milieu du lac et les Ballets de Loïe Fuller y présentèrent, à minuit, leurs danses fantastiques.

Evoluant au ras de la surface du lac, les danseuses aux voiles lumineux semblaient • • •

h Pavillon des trois B, 1937 12 13

LA DANSE À BIARRITZ # 66

Béarn, Bigorre) construit par William Marcel et Jules-Antoine Noutary. Devant le fronton, parties de pelote, chants et danses du Labourd et de la Soule y furent tour à tour applaudis par les visiteurs qui garnissaient les gradins pouvant recevoir un millier de personnes.

Autrement, c’est en l’honneur d’une Exposition internationale placée sous le signe de la Lumière que la Compagnie des Lampes Mazda offrit son Tour de France de la Lumière. L’objectif des organisateurs et du Front Populaire étant qu’elle rayonne chaque soir bien au-delà de la capitale. Cinq convois disposant chacun d’un groupe électrogène, de batteries de projecteurs et de haut-parleurs circuleront du 30 avril au 13 novembre 1937 pour éclairer « quelques-unes des plus grandes beautés de notre pays », soit plus de 800 monuments et sites de France et d’Afrique du Nord. Cette caravane artistique et publicitaire passera par Pau, Bayonne, Saint-Jean-de-Luz et Biarritz, où le 20 juillet, « une quinzaine de projecteurs judicieusement placés » (29) mirent en valeur le Rocher de la Vierge.

S’agissant de la Lumière noire, c’est au Salon de la Lumière de 1934 que la Compagnie des Lampes Mazda montra pour la première fois des applications de la fluorescence grâce à la projection de rayons ultra-violets émis par une lampe au verre noir. Ses effets dans l’art théâtral seront démontrés à la Maison de la Chimie, en septembre 1937 par les Établissements Kuhlmann lors du XVIIIème Congrès de l’Association des Chimistes de l’Industrie textile. Des danseuses dont on ignore l’origine exécutèrent alors une danse revêtues de voiles fluorescents.

Deux mois plus tard, le 22 novembre, lors du gala de clôture du Tour de France de la Lumière, Mazda organisa à Paris au Musée d’Art Moderne une séance de danses luminescentes, avant d’en promouvoir une application parfaite à la Salle Pleyel, le 14 janvier 1938. Obligeant les artistes à se protéger les yeux, des danses de Loïe Fuller furent alors adaptées par Gab Sorère, qui en créa de nouvelles avec l’aide des ingénieurs chimistes des Établissements Kuhlmann, de la Société Rhône Poulenc, de Chimie Atomistique, etc. Ces ballets fluorescents, « curieuse expérience de physique de la lumière appliquée à des figures et des objets en évolution » (30) seront ensuite donnés à l’Opéra, du 9 au 23 février 1938, puis après-guerre à Biarritz, le 24 août 1947 et le 12 août 1951 au Port-Vieux.

Dévasté par les bombardements alliés du 27 mars 1944, la municipalité l’avait fait reconstruire avec une double destination : plage le jour, théâtre la nuit. « Il manquait hélas aux galeries faites pour accueillir les spectateurs des éléments importants, la scène, les coulisses et la machinerie. danser sur l’eau même, reflétées par le miroir liquide. Puis, sous la lune à peine voilée de quelques nuages, le lac peu à peu s’embrasa, tandis que des cascades lumineuses artistement disséminées sur les berges, semblaient déverser sur les eaux paisibles des ruisseaux d’or et de feu » (28). Un bal au son du jazz, suivi d’un souper clôtura cette soirée honorée par tout le « Who’s who » en villégiature.

Toujours en septembre 1938, la Compagnie des Lampes Mazda, se vit décerner par le jury de l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne de Paris 1937, deux grands prix et une médaille d’or, en récompense de ses efforts dans le domaine de l’éclairage public et privé, et pour ses réalisations artistiques : la Lumière noire et le Tour de France de la Lumière. Pour l’anecdote, on soulignera que l’Exposition ayant proposé aux provinces françaises d’être représentées, « La Région Pyrénées Atlantique » répondit à cet appel par un pavillon dit des « Trois B » (Basques, • • •

Album Mazda, 1937 h

14 15

LA DANSE À BIARRITZ # 66

(1) Le Jugement du silence, Henri Gaillard, 1899, p.116

(2) Le Figaro, 9 février 1929

(3) Daily Telegraph, 14 avril 1892

(4) Australian Town and Country Journal, 29 août 1896

(5) Quinze ans de ma vie, Loïe Fuller, 1908, p.25

(6) Le Figaro, Georges Rodenbach, 12 janvier 1895

(7) Gil Blas, 14 octobre 1892

(8) Le Figaro, 31 août 1892

(9) Le Figaro, 3 novembre 1892

(10) Ma vie et la danse, Loïe Fuller, l’oeil d’or, 2002, p.177

(11) 1900, Paul Morand, Les éditions de France, 1931, p.64

(12) National Observer, 13 mai 1893

(13) La Rampe, 13 mai 1923

(14) Comoedia, 30 octobre 1925

(15) Les Spectacles, 6 novembre 1925

(16) Portraits-souvenir IX, Editions Grasset et Fasquelle, 1935

(17) Quinze ans de ma vie, Loïe Fuller, 1908, p.203

(18) Ma Vie, Isadora Duncan, Gallimard, 1928, p.101

(19) Loïe Fuller, danseuse de la Belle Epoque, Editions Stock, 1992, p.461 Giovanni Lista

(20) Comoedia, 2 janvier 1928

(21) Loïe Fuller, Giovanni Lista, Editions Stock, 1992, p.472

(22) Revue musicale S.I.M, 1er janvier 1914

(23) Le Courrier de Bayonne, 20 février 1912

(24) Le Gaulois, 6 août 1925

(25) L’Echo d’Alger, 5 janvier 1928

(26) Ma Vie, Isadora Duncan, Gallimard, 1928, p.103

(27) La Gazette de Biarritz, 5 août 1928

(28) Le Figaro, 21 septembre 1938

(29) La Gazette de Biarritz, 21 juillet 1937

(30) OEuvre, Raoul Brunel, 16 février 1938

(31) La Gazette de Biarritz, 16 août 1954